Chères et chers amis, chères et chers camarades,
Nous sommes ici réuni·es aujourd’hui, jour de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée MANOUCHIAN. Avec eux, c’est la reconnaissance de tout le mouvement ouvrier dans ces actes de résistance. À l’heure où le patronat le plus décomplexé attaque chaque jour, dans les entreprises, les droits des salarié·es et où le syndicalisme est stigmatisé par les médias aux mains des milliardaires et par les gouvernements successifs, rappelons-nous de ceux qui, au péril de leur vie et de celle de leurs familles, ont combattu pour la liberté.
Rappelons-nous la réunification de la CGT et l’alliance des forces de gauche en 1936, qui ont amenés, plus tard, en période de guerre et face à l’horreur, la mise en place du Conseil National de la Résistance et de son programme des « Jours heureux », dont nous fêterons le 80e anniversaire le 15 mars prochain, partout en France, et plus particulièrement dans l’Hérault, devant les caisses primaires d’assurances maladie, notamment à Montpellier, boulevard Gambetta, à 12h30.
Rappelons-nous que seules l’unité et les luttes du monde ouvrier ont permis des avancées sociales d’envergure dont notre pays, dont nous bénéficions encore aujourd’hui, malgré les attaques incessantes du capitalisme.
Avec cette entrée au Panthéon, ce sont aussi les 22 autres membres du groupe Manouchian qui accèdent à la plus haute reconnaissance de la France. Arrêtés en novembre 1943, torturés, condamnés à mort et exécutés le 21 février 1944 au Mont-Valérien pour 22 d’entre eux, le 10 mai pour Olga Bancic, seule femme du groupe, décapitée à Stuttgart.
Ils étaient d’origines et de confessions diverses : Arméniens, Espagnols, Italiens, Français, Polonais, Juifs d’Europe de l’Est… ils avaient également vécu des histoires différentes. Ils étaient unis contre le nazisme et le fascisme. Ils avaient la farouche volonté de combattre ce mal afin de retrouver la paix et la liberté.
Ils avaient cette conscience de classe qui en faisait des humanistes, des internationalistes. Certains d’entre eux, dont Missak Manouchian, étaient nos camarades de la CGT. Ils sont tombés en héros, en martyrs, en défendant des valeurs de fraternité, de solidarité, de paix, au plus proche de leur communauté d’origine.
Ils sont un symbole de lutte contre les idées nauséabondes de l’extrême droite, qui cherche à diviser le monde du travail.
Ne laissons pas la place à celles et ceux qui voudraient nous vendre le mythe de « l’intégration à la française », mais qui, sous la dictée de la droite extrême, n’ont pas hésité à adopter le projet de loi « Asile et immigration ».
Une loi de la honte, qui s’attaque aux droits fondamentaux de toutes et tous et ne répond pas aux causes de l’exil forcé des hommes, femmes et enfants fuyant les guerres, les dictatures, le réchauffement climatique…
Une loi inspirée par l’extrême droite, qui s’attaque frontalement au Pacte Républicain, hérité du Conseil National de la Résistance, en remettant en cause le droit du sol et en instaurant la préférence nationale.
Fidèle aux idéaux portés par Missak Manouchian et ses camarades, la CGT lutte pour que la France soit un pays de Liberté, de Paix et de Progrès Social. Une France terre d’accueil, dans laquelle nous aurions toutes et tous les mêmes droits.
Ce 21 février, le peuple honore la mémoire du groupe Manouchian, comme en était persuadé Missak dans la dernière lettre écrite à sa femme Mélinée avant de mourir. Celle qui disait de lui « sa vie était un combat perpétuel – un combat pour sa propre dignité, c’est-à-dire pour la dignité de tous les Hommes ».
Alors non, nous ne nous tairons pas face à la montée de ces idées nauséabondes qui rappellent les heures les plus sombres de notre histoire.
Oui, affirmons-le aujourd’hui en leur rendant hommage, nous continuerons dignement leurs combats !
Leur combat pour la paix,
Leur combat pour la liberté,
Leur combat pour l’égalité de toutes et tous,
Et n’ayons de cesse de continuer leur combat contre l’obscurantisme.
Car non, l’arrivée au pouvoir de fascistes n’est pas inéluctable, la misogynie, la haine de l’autre, la division ne seront jamais la solution et rappelons que l’extrême droite n’a que faire de la lutte des classes et du progrès social et n’est là que pour protéger les intérêts du capitalisme, à l’image des votes réalisés par leurs députés.
Prenons gage ensemble de ne jamais revivre ces horreurs. Nous condamnons aujourd’hui même, lors de leur entrée au panthéon, la présence de responsables du Rassemblement National à cette cérémonie. Les voir présents contribuent au processus de banalisation de l’extrême droite contre lequel nous nous insurgeons avec dégout, car cela revient à fusiller une deuxième fois le groupe Manouchian !
Militons pour la paix, la liberté et le bien-être de tous et toutes.
Je terminerais mon propos par ce poème de Louis ARAGON repris par Léo FÉRRÉ dans son titre « L’affiche rouge » :
« Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans
Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants
Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA France
Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
A la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand
Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan
Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée o mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant
Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant. »