Une campagne de presse insidieuse et quasi unanime tente de réduire le projet de loi Touraine à « la mise en œuvre du tiers payant ». Les Fédérations CGT Santé et Action Sociale, FO et SUD Santé Sociaux alertent la population et les salarié-e-s sur le danger réel que fait courir ce projet de loi à notre Sécurité Sociale, à nos hôpitaux publics, à la totalité de notre système de santé.
En effet, en retirant à la Sécurité Sociale, pour les confier aux ARS, instrument de l’État : le pouvoir d’organisation du système de soins, la gestion du risque, la « territorialisation de la politique conventionnelle » pour permettre une « déclinaison régionale », ce projet de loi constitue un pas supplémentaire vers l’étatisation de la sécurité Sociale, la transformant en une courroie de transmission de l’État. C’est la fin de l’unicité nationale de la branche maladie, issue de l’ordonnance de 1945. Ce projet ouvre une voie royale à la définition d’objectifs régionaux des dépenses d’assurance maladie (ORDAM). En d’autres termes, c’est la fin de l’égalité des droits des citoyens à l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire.
Les personnels hospitaliers avec les Fédérations CGT, FO et SUD des hôpitaux publics et du secteur social et médico-social, peuvent témoigner que la création des ARH en 1995 avec le plan Juppé, puis des ARS en 2009, avec la loi HPST, dite Bachelot (qui s’était vu confier la réorganisation interne des hôpitaux et la rationalisation des dépenses de soins hospitaliers), a constitué un puissant levier pour les fermetures de lits, de services médicaux, d’établissements hospitaliers, exemples :
Fermeture de 144 maternités publiques entre 2001 et 2010. A Diminution drastique des lits hospitaliers (-117 471 de 1995 à 2012), créant un engorgement chronique et systématique des services d’urgences hospitaliers, faute de lits d’aval en nombre suffisant. A Fusion d’une centaine d’hôpitaux (entre 1995 et 2005), ainsi que 1 146 « opérations de reconversion » dans la même période, avec des zones entières du territoire qui ne sont plus couvertes. Pour les patients des hôpitaux publics, ceci s’est traduit par : une augmentation constante des délais pour les consultations, les hospitalisations. A des déplacements chaque fois plus importants pour des prises en charge spécialisées.
L’hôpital public est l’épine dorsale de notre système de santé, il doit être conforté sur l’ensemble du territoire, notamment pour éviter les déserts médicaux. Dans ce contexte, il est clair que les GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire) ne sont pas la bonne solution. Leur objectif est de fermer massivement des services et des structures pour concentrer les moyens sur des établissements de référence éloignés et qui seront engorgés. Le projet de loi Touraine entend accélérer la fermeture de dizaines de milliers de lits supplémentaires, d’hôpitaux publics entiers, s’accompagnant d’un plan social de 22 000 suppressions de postes ! La question du mode de financement est essentielle, pour l’hôpital. L’enveloppe fermée et la T2A aboutissent à une sélection des patients laissant sur le carreau, les plus faibles et les plus démunis.
En outre, les hôpitaux se voient imposer, par les ARS, les objectifs d’un plan triennal d’économies qui prévoit d’accélérer le « virage ambulatoire » à marche forcée, afin par une « baisse capacitaire » en termes de lits d’hospitalisation, qui va se traduire par de nouvelles suppressions de lits et de postes, ne permettant plus de répondre aux besoins croissants de la population.
Nous le disons, ce projet de loi Touraine constitue, pour les hôpitaux publics, « l’arsenal juridique » chargé de garantir la diminution de 3,4 milliards d’euros en 2016, décidée par un ONDAM « historiquement bas », dans le cadre du « Pacte d’austérité ». Il faut rappeler que le plan d’économies de 3 milliards supplémentaires demandé aux hôpitaux aboutira à une diminution de l’offre de soins. Une solution simple existe pour trouver cette somme qui correspond exactement aux surcoûts liés aux emprunts dit toxiques que doivent aujourd’hui payer les hôpitaux (chiffrage de la FHF).
Quant au secteur social et médico-social, étant pris en tenaille par la baisse de l’ONDAM et des dotations aux Collectivités Territoriales, les difficultés structurelles des établissements et services vont s’intensifier. Ce sont par dizaines, que les CHRS (centres d’hébergement et de réinsertion sociale) et les accueils pour jeunes mineurs isolés ont fermé en 2015. Pour 2016, avec un ONDAM contraint (1,9 %, soit 0,3% de moins qu’en 2015), les restructurations/fusions dans le médico-social vont se poursuivre avec leur cortège d’attaques contre les droits conventionnels et la poursuite des suppressions de postes et d’emplois. Dans un contexte général d’austérité, poursuivre les réductions budgétaires dans les établissements et services sociaux et médicosociaux à destination des plus fragiles et démunis est socialement suicidaire.
Enfin, avec la généralisation du « tiers payant », c’est un bouleversement des principes fondateurs de la sécurité sociale. Les assurances complémentaires deviennent des opérateurs du système au même titre que le régime obligatoire.
Il faut être clair : le désengagement de la sécurité sociale se traduit forcément par une charge de plus en plus importante pour les assurés, car ce sont eux qui payent les assurances complémentaires ! L’augmentation continue des tarifs des complémentaires accentue les inégalités sociales, c’est- à-dire, avec un panier de soins a minima pour l’immense majorité de la population et des soins corrects pour ceux qui auront les moyens de les payer.
Par ailleurs, si les assurés seront dispensés de l’avance des soins, beaucoup d’entre eux seront soulagés de ne plus avoir à faire l’avance des frais, par contre ils seront ponctionnés directement sur leurs comptes bancaires pour les franchises et autres « restes à charge ». La dernière Convention d’Objectifs et de Gestion (COG) de la Sécurité Sociale supprime 8 800 emplois, soit plus de 5 % des effectifs en 4 ans. Cela porte la réduction de l’emploi dans les sécu à 24 000. Il en est de même dans les autres organismes de Sécurité Sociale.
Pour toutes ces raisons,les fédérations CGT santé et action sociale, FO et SUD santé sociaux ont décidé, en commun, d’alerter leurs collègues et la population. Les fédérations CGT santé et action sociale, FO et SUD santé sociaux se rendront en délégation à L’Assemblée Nationale le 17 novembre, jour de l’examen de la loi Touraine, pour rencontrer les députés.
A l’évidence, les milliards d’euros de financement de la santé, par notre salaire socialisé, attisent les appétits des groupes capitalistes et assurantiels, en lien avec la volonté
affichée par le gouvernement de réduire de 54 milliards, les dépenses publiques et sociales.
Seul le rapport de force, dans la poursuite de la grève interprofessionnelle du 9 avril 2015, permettra d’obtenir satisfaction, de défendre et renforcer notre Sécurité Sociale, nos hôpitaux publics, nos établissements du secteur social et médico-social, les UGECAM et l’ensemble de nos droits collectifs.