Nous vous informions récemment que suite au dysfonctionnement du logiciel CHRONOS, la direction allait prélever 104 000 heures dans les compteurs DRV de certains agents. La majorité des organisations syndicales représentatives avaient demandé l’effacement de ces heures « indues » (selon la direction), au regard de l’opacité du fonctionnement de CHRONOS, et d’une politique de gestion du temps de travail de notre CHU particulièrement discutable tant sur l’interprétation des textes réglementaires que sur leur application.
Rappelons que les agents ainsi que les cadres de proximité ne sont pas responsables de cette situation et qu’ils ne doivent donc pas en faire les frais.
Face au refus de la direction, la CGT a décidé dans un premier temps d’effectuer un recours auprès du Directeur Général du CHU. Vous trouverez ci-dessous la copie du courrier qui a été adressé à M. le Directeur Général.
Dans un second temps, face à la colère et l’incompréhension des personnels, notre syndicat a décidé de déposer un préavis de grève pour la journée du 21 janvier 2021.
Les principales revendications portent essentiellement sur la gestion et le non-respect de la règlementation du temps de travail au CHU de Montpellier et justifient à elles seules le dépôt de ce préavis.
- En lien avec le logiciel CHRONOS, nous réclamons :
- la suppression de la décision de retirer plus de 100 000 heures à certains agents, suite à l’évènement indésirable généré par cet « outil »,
- le logiciel Chronos doit être plus transparent :
- visibilité de l’obligation annuelle de travail (OAT) pour tous les agents,
- visibilité de l’historique des entrées et sorties justifiant le solde horaire des agents,
- traçage automatisé du temps de travail réellement effectué sur la base du pointage;
- en fin de cycle, report des heures non récupérées du DRCV dans le compteur d’heures supplémentaires (DRHS),
- mise en place réglementaire d’1 dimanche de repos sur 2 pour les secteurs qui travaillent encore 3 dimanches/mois,
- attribution d’un forfait de « récupération » au titre du temps d’habillage/ déshabillage,
- validation du temps de transmission y compris pour les secteurs en 12h quand le chevauchement des équipes est impossible),
- validation de tout temps de dépassement effectué à la demande de l’encadrement et/ou pour nécessité de service :
- abrogation de la note de service ne validant ce temps de dépassement qu’à partir de 15 minutes,
- attribution de RTT et non de RC pour les secteurs dont le cycle de travail est en 36h.
- Des créations de lits supplémentaires dans les hôpitaux.
- Des embauches massives dans les secteurs du sanitaire, du social et du médico-social avec titularisation et résorption des emplois précaires :
- 100 000 agents pour l’hôpital public, 200 000 pour les EHPAD, 100 000 pour le médico-social.
- L’amélioration des conditions de travail pour une meilleure articulation vie privée/vie professionnelle avec des organisation de travail basées sur le travail réel.
- L’augmentation de 300 € pour tous les agents afin de rattraper la perte de pouvoir d’achat liée au gel du point d’indice.
- En lien avec l’épidémie de COVID 19 :
-
- l’abrogation définitive du jour de carence avec rétroactivité pour la seconde vague ;
- la reconnaissance systématique en maladie professionnelle pour tous les personnels contaminés ou ayant présenté une suspicion d’infection à la Covid.
Nous vous informerons dans les prochains jours des modalités de cette journée de mobilisation.
Le syndicat CGT reste à votre écoute,
Courrier remis contre récépissé
Objet :
- Demande d’annulation de la décision de régularisation des compteurs de temps de travail du 15 décembre 2020 (référence DRHF/JLP/JDE/MPL/20-3-13999 CHRONOS – COMPTEUR DRCV[1] 2020)
Monsieur le Directeur Général,
Le logiciel institutionnel CHRONOS est défaillant, et suite au dysfonctionnement, ce serait environ 104 000 heures qui auraient alimenté les DRCV de près de 2 800 agents.
Par courrier de Mme la DRH du 15 décembre 2020, vous avez informé l’ensemble des agents du CHU de votre décision de régularisation des compteurs de temps de travail, qui interviendrait en début d’année 2021.
Cette régularisation interviendrait soit par une compensation de l’agent par un autre compteur ayant un solde positif hors congé annuel, soit par la réalisation de vacations complémentaires, qui seraient lissées sur l’ensemble de l’année 2021 par l’encadrement.
Cette décision appelle les observations suivantes.
- Sur la durée annuelle de travail
Selon le Décret n°2002-9 du 4 janvier 2002 (Article 1) « Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées. Cette durée est réduite pour les agents soumis à des sujétions spécifiques dans les conditions prévues aux articles 2 à 4 ci-après. »
Le décompte se fait donc exclusivement sur une année civile, à savoir du 1er janvier au 31 décembre.
Il peut y avoir des heures supplémentaires, qui sont clairement réglementées par ce même décret.
L’article 9 de ce même décret indique que « Le cycle de travail est une période de référence dont la durée se répète à l’identique d’un cycle à l’autre et ne peut être inférieure à la semaine ni supérieure à douze semaines », mais aussi que « Les heures supplémentaires et repos compensateurs sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les repos compensateurs doivent être pris dans le cadre du cycle de travail ».
En conséquence, à la fin de chaque cycle de travail (soit maximum 12 semaines) le compteur doit être équilibré. Dans la pratique, il reste un report sur les cycles suivants, mais ces heures, qui ont été effectuées, restent acquises à l’agent et doivent soit lui être payées, soit être récupérées.
L’administration a l’obligation d’organiser le temps de travail de chaque agent en quasi temps réel, et s’il y a un déficit horaire, l’administration ne peut reporter ces heures sur l’année suivante, puisqu’alors la limite des 1 607 heures annuelles (ou autre plafond) sera dépassée.
En effet, la Circulaire du 31 mars 2017 relative à l’application des règles en matière de temps de travail dans les trois versants de la fonction publique prévoit que la durée annuelle de 1 607 heures peut être réduite pour tenir compte des sujétions spécifiques liées à la nature des missions dans les cas précisés par le décret du 4 janvier 2002, mais en aucun cas qu’il puisse être augmenté.
Donc, si l’administration (via les cadres) fait des erreurs sur les plannings, elle est la seule responsable, notamment pour les heures déficitaires.
La Circulaire du 31 mars 2017 relative à l’application des règles en matière de temps de travail dans les trois versants de la fonction publique précise que « L’encadrement de proximité a la responsabilité d’assurer le respect de la réglementation du temps de travail », et « assurer un suivi de la répartition du travail au sein des équipes, à gérer les agents de façon personnalisée (…)».
Enfin, il convient de rappeler que le juge administratif a sanctionné des établissements hospitaliers pour des plannings illégaux. Ainsi, « aux termes de l’article 6 du décret du 4 janvier 2002 (…) » L’organisation du travail doit respecter les garanties ci-après définies. (…) Les agents bénéficient d’un repos quotidien de 12 heures consécutives minimum et d’un repos hebdomadaire de 36 heures consécutives minimum. Le nombre de jours de repos est fixé à 4 jours pour 2 semaines, deux d’entre eux, au moins, devant être consécutifs, dont un dimanche. » ». Ainsi, « les agents doivent bénéficier tous les 14 jours d’un congé couvrant deux jours entiers calendaires dont un dimanche », et « cette obligation ne peut être satisfaite, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, par un décompte du temps de repos d’heure à heure équivalant en durée à une période de 48 heures qui n’inclurait pas deux jours pleins », et « la circonstance que le bénéfice de deux journées calendaires conduirait à une organisation difficile à mettre en place ou aboutissant en pratique à ce que les agents travaillant de nuit bénéficient de trois jours pleins de congé, est sans incidence sur la légalité du régime applicable » (CAA de LYON, 9 octobre 2018, 17LY01546 ; 17LY01556 ; 17LY01557 ; 17LY01559 ; 17LY01560 ; 17LY01561).
Selon vos informations, et votre décision, chaque agent concerné devrait effectuer en moyenne 37 heures de travail en plus en 2021, avec des écarts en plus ou en moins.
Mais, en toute hypothèse, en aucun cas les agents ne doivent exécuter une durée de travail supérieure à 1607 heures dans l’année, y compris par report d’un « déficit » de l’année précédente, notamment par des vacations complémentaires lissées sur l’ensemble de l’année par l’encadrement. En effet, dépasser ce volume horaire annuel induirait obligatoirement des organisations ne respectant pas les rythmes de travail et les temps de repos.
- L’organisation du temps de travail violant l’obligation de sécurité de résultat
La loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (Article 23) dispose que « Des conditions d’hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail. »
Le rythme de travail et le temps de repos participe de la préservation de la santé et de la sécurité physique et mentale des agents.
Le Conseil d’Etat rappelle en outre que « la lettre et à l’objet des dispositions relatives au temps de travail, (…) visent à assurer la protection de la santé et la sécurité des salariés (CE, 4 avril 2018, N° 398069. Mentionné dans les tables du recueil Lebon).
En conséquence, une durée de travail supérieure à 1607 heures ne garantirait pas aux agents le temps de repos suffisant, et violerait l’obligation légale de protection de leur santé et de leur sécurité.
- Les fautes dans l’organisation du service
Il résulte en premier lieu de la jurisprudence que les dispositions du décret 2002-9 du 4 janvier 2002 (Article 9) « qui confient au chef d’établissement le soin d’arrêter des cycles de travail, après avis du comité technique d’établissement ou du comité technique, ne l’autorisent pas à déroger aux règles édictées par ailleurs par le décret (…) ». Dès lors, « le tribunal administratif a commis une erreur de droit en rejetant la demande de (…) au motif que le cycle de travail arrêté par le chef d’établissement résultait d’un accord approuvé en comité technique d’établissement » (CE, 6 novembre 2013, N° 359501. Mentionné dans les tables du recueil Lebon).
A ce titre, lors de la présentation de la nouvelle charte GTT au CTE de janvier 2018, la CGT a voté contre.
Par ailleurs, comme l’a souligné la Chambre régionale des comptes, dans son rapport du 09 novembre 2018, les agents ne bénéficient pas d’une lecture claire et homogène de l’organisation du temps de travail. Les agents du CHU ne peuvent visualiser leur OAT en toute transparence avec les entrées, sorties et la balance horaire de leur temps de travail de manière journalière.
En effet, le Décret 2002-9 du 4 janvier 2002 (Article 13) dispose que « Dans chaque établissement, un tableau de service élaboré par le personnel d’encadrement et arrêté par le chef d’établissement précise les horaires de chaque agent pour chaque mois. (…). Il doit pouvoir être consulté à tout moment par les agents. Toute modification dans la répartition des heures de travail donne lieu (…) à une rectification du tableau de service établi et à une information immédiate des agents concernés par cette modification. »
La Circulaire du 31 mars 2017 relative à l’application des règles en matière de temps de travail dans les trois versants de la fonction publique précise qu’« Il revient à l’employeur d’effectuer un décompte régulier des jours de travail effectif et d’adapter les logiciels de gestion du temps de travail ». La circulaire fait référence aux jours droits ouverts au titre de l’ARTT, mais cela vaut pour le temps de travail en général.
De fait, l’opacité précédemment soulignée par la Chambre régionale des comptes a eu pour conséquence l’impossibilité pour les agents de l’établissement, de vérifier avec leur tableau de service leur OAT prévisionnel et réalisé, et d’alerter éventuellement l’encadrement et l’administration en cas d’anomalie.
Vous invoquez dans votre courrier du 15 décembre 2020, une anomalie de fonctionnement du logiciel CHRONOS, qui vient d’être détectée, et vous présentez « vos excuses quant aux désagréments engendrés ».
Dans le même temps vous occultez toutes les autres irrégularités qui portent atteinte aux droits des agents, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.
Vous indiquez que « le Compteur de Droit aux Repos Compensateurs lié aux Vacations (DRCV) se voit, dans certaines circonstances, verser des heures de façon indue », comme si le logiciel avait sa personnalité juridique propre, et que son dysfonctionnement n’était pas de la responsabilité de l’administration.
Mais ces explications ne sauraient suffire à exonérer l’établissement de ses fautes, et à lui permettre d’en faire supporter les conséquences aux agents.
Ceci d’autant plus que votre courrier fait état de la « réalisation d’un retour d’expérience », dans l’« objectif de comprendre les motifs ayant conduit à cette situation et d’en tirer les enseignements, pour améliorer et simplifier l’usage du logiciel », de sorte que manifestement vous n’êtes toujours pas en mesure de garantir la fiabilité de ce logiciel pour l’avenir. Vous n’êtes toujours pas en mesure de garantir aux agents la visibilité sur leur état d’obligation de servir, le début et la fin de leur cycle de travail, leur plafond d’heures supplémentaires mensuel et annuel, et les mouvements de compteur journaliers.
Il en résulte que le courrier du 15 décembre 2015 de décision de régularisation des compteurs de temps de travail, qui consiste à faire supporter aux agents les fautes d’organisation de l’administration, en majorant abusivement la durée annuelle de travail, constitue un acte administratif qui leur fait grief, et porte atteinte à leurs droits.
Il s’agit d’une atteinte à l’intérêt collectif des agents que notre syndicat a vocation à défendre (CE, 25 juin 1969, Rec. p. 335 ; CE, 18 avril 1975, Rec., n° 91085), et nous sommes recevables à contester ces mesures, affectant les conditions d’emploi et de travail des agents (CE, 28 déc. 2005, Rec., n° 274527 ; CE, 4 mars 2009, Rec., n° 305886).
C’est pourquoi, par la présente, le syndicat CGT du CHU vous demande de :
- annuler la décision du 15 décembre 2020 de régularisation des compteurs de temps de travail, à partir de janvier 2021 ;
- citer les références juridiques motivant la décision du 15 décembre 2020 ;
Nous devons enfin vous informer, qu’en cas de silence gardé, ou de rejet, dans le délai de deux mois à compter de la réception du présent courrier, nous saisirions la juridiction administrative pour excès de pouvoir.
Veuillez recevoir, Monsieur le Directeur Général, nos sincères salutations.
Françoise Gaillard
Secrétaire générale du syndicat CGT du Chu de Montpellier
[1] Droit aux Repos Compensateurs lié aux Vacations (DRCV)